Le poisson : critères de fraîcheur et conservation

Juste après sa capture, la chair du poisson est quasiment stérile et parfaitement fraîche. Toutefois elle s’altère rapidement, d'un point de vu organoleptique et bactériologique. Il est important de maîtriser les critères de fraîcheur et les méthodes de conservation du poisson pour profiter de produits de qualité.
Critères de fraîcheur du poisson et conservation
Pour
8 personnes
Préparation
Cuisson
Difficulté
Moyenne
Coût
Moyen

La dégradation de la qualité du poisson

A température ambiante, le poisson entame une fermentation putride qui dégrade les protéines de la chair, avec dégagement d'ammoniac et d'amines volatiles ayant une odeur fétide. La température influe très fortement sur sa vitesse. La dégradation atteint un stade avancé en plusieurs jours à 0°C, 1 à 2 jours à 10°C, et moins de 2 h à 30°C. Cette dégradation peut être mesurée par un dosage du taux d'azote basique volatile total (ABVT), exprimé en mg d’ammoniac pour 100 g de produit. Son seuil de tolérance est de 100 mg.

Manipulation et transport

La lutte contre ces altérations est menée par l'application de mesures d'hygiène au niveau des manipulations, et l'usage intensif du froid : conditionnement sous glace fondante (0°C) entre des feuilles de papier sulfurisé ou plastique pour éviter le contact direct avec la chair, et transport frigorifique.

Cette chaîne du froid doit s'appliquer depuis la cale du bateau jusqu’à la consommation.

Il est courant que cette chaîne du froid soit rompue lors de l'achat par le particulier. La durée entre la prise en charge du produit au magasin, généralement conditionné sans glace dans un sac plastique, et son stockage en enceinte réfrigérée doit être la plus courte possible. L'utilisation d'un sac isotherme est recommandée. L'achat du poisson est réalisé au dernier moment, et on rentre le mettre au réfrigérateur au plus vite. C'est d'autant plus vrai lorsque la température extérieure est élevée. A 30°C le poisson se dégrade significativement en moins de 2 h.

Achat, stockage et conservation

Le poisson doit être conservé entre 0°C (température de la glace fondante) et +2°C.

Dès qu'on dépasse ces températures, y compris dans le cas d'une rupture de la chaîne du froid, la durée de conservation décroit très rapidement.

Conservation d'un saumon entier (étude scientifique Cann et al. 1985)
TempératureDurée
0°C12 jours
5°C8 jours
10°C3 jours
15°C1 jours

A noter : lors de l'achat, le poisson peut déjà avoir été conservé pendant plusieurs jours, voir plus d'une semaine. Les valeurs indiquées ci-dessus sont valables uniquement pour un poisson péché du jour.

Les critères de fraîcheur

L'évaluation du niveau de fraîcheur d'un poisson est réalisée par observation. On analyse certaines caractéristiques majeures, en vérifiant leur conformité avec les niveaux attendus. Le tableau suivant liste les caractéristiques à évaluer et indique les attentes pour chacune d'elles.

ParamètresCritères fraisCritères dégradés
OdeurOdeur d'algues. Douce, agréable, légère. Absence d'odeur d'ammoniaque.Aucune odeur, puis odeur désagréable d'ammoniaque.
RigiditéQuelques heures après sa mort, le poisson entre en état de rigidité cadavérique, rigor mortis. Son corps est totalement rigide et arqué. Cette phase dure de quelques heures à quelques jours selon la température.Une fois rigor mortis dépassée, la chair va se détendre et ramollir. Le corps devient souple, puis flasque.
ConsistanceLa chair à une consistance ferme et élastique à la pression.La chair devient molle, puis reste enfoncée à la pression du doigt.
PeauCouleur chatoyante, brillante, iridescente; pas de décoloration. La peau est tendue, fermement adhérente aux filets.La coloration s'estompe, la peau devient pâle. Elle se décolle des filets.
MucusLa peau est recouverte selon les espèces d’un mucus transparent, aqueux.Le mucus devient poisseux, collant.
ÉcaillesFortement adhérentes, brillantes, éclats métalliques et reflets irisés.Les écailles ternissent, se relâchent et se retirent facilement.
OeilClair et vif ; convexe (gonflé) ; cornée transparente ; pupille noire et brillante.Terne, laiteux / blanchâtre, vitreux. Oeil plat, puis concave (enfoncé).
OuïesHumides, brillantes, de couleur rosée ou rouge sang, pas de mucus. On entend parfois qu'elles doivent être fermées, ce qui est faux. Un poisson juste sorti de l'eau peut avoir les ouïes grandes ouvertes et resté dans cet état lors de la phase de rigidité.Couleur brune ou rose décoloré.
AbdomenFerme, élastique, non gonflé, non déchiré et sans tache, péritoine (membrane noire) adhérant à la cavité viscérale.Flasque, voire éclaté, viscères en bouillie brune.
AnusHermétiquement fermé, sans suintement.Dilaté, flasque, suintement.

Méthode de calcul d'indice de qualité

Il est possible d'évaluer la fraîcheur d'un poisson en lui attribuant une note de 0 à 20 en utilisant l'abaque ci-dessous. Plus la note est proche de 0 plus le poisson est frais. Cette méthode est utilisée par certains professionnels.

ParamètresCaractéristiquePoints attribués
Aspect généralPeau0 Brillant luisant
1 Brillant
2 Terne
Tâches de sang sur les ouïes0 Sans
1 Petit 10-30%
2 Gros 30/50%
3 Très important / 50-100%
Rigidité0 Raide en rigor mortis
1 Elastique
2 Ferme
3 Mou
Ventre0 Ferme
1 Mou
2 Eclaté
Odeur0 Fraîche, algue/métallique
1 Neutre
2 Moisi/aigre
3 Viande pas fraîche/rance
YeuxClarté0 Claires
1 Brumeux
Forme0 Normaux
1 Plats
2 Concaves
BranchiesCouleur0 Caractéristique, rouge
1 Pâle, décolorée
Odeur0 Fraîche, algue/métallique
1 Neutre
2 Douceâtre/légèrement rance
3 Aigre puante, pas fraîche/rance
Total des pointsmin. 0 et max. 20

La technique japonaise Ikejime

La technique Ikejime, inventée au Japon, est utilisée par les pêcheurs souhaitant fournir un niveau de qualité exceptionnel. Elle permet d'augmenter significativement les qualités du produit, y compris sa conservation, par l'extraction du sang et la destruction du système nerveux.

Cette méthode est manuelle et prend beaucoup de temps puisque chaque poisson doit être traité vivant et individuellement. Les produits Ikejime sont en conséquence beaucoup plus chers.

Il est possible de pratiquer cette technique en cuisine dans le cas de produits arrivés vivants, ce qui est rare.

Principes : La méthode s'applique uniquement sur des poissons vivants, qu'on va tuer au lieu de classiquement les laisser mourir. Le geste consiste à tuer le poisson, le vider de son sang pour obtenir une chair immaculée, et détruire le système nerveux pour empêcher les chairs de se rétracter.

En pratique :

  • On enfonce une pique, un crochet ou la pointe d'un couteau effilé dans le cerveau du poisson pour provoquer la mort cérébrale.
  • On pratique ensuite une incision au niveau des ouïes pour vider le sang. Le coeur bat encore et va pomper l'intégralité du sang hors du poisson.
  • On effectue une autre incision au niveau de la tête ou de la queue afin d'introduire une tige métallique dans l'épine dorsale du poisson et ainsi détruire le système nerveux.

Attention aux Anisakis

Les anisakis sont des vers parasites couramment présents dans le poisson. Ils touchent pratiquement toutes les espèces, dans toutes les zones de pêches. Ils peuvent infecter les êtres humains et provoquent l'anisakiase.

On les retrouve généralement dans les entrailles et les flancs de la partie ventrale, mais l'infestation peut se propager dans les chairs. Méfiez-vous car ils sont parfois bien cachés. Si vous détectez un tâche sombre dans la chair, c'est suspect. Inciser avec une lame pour en révéler la nature, il peut s'agir d'un parasite.

On les identifie assez facilement par contrôle visuel. En cas de doute, et pour éviter tout risque, congeler le poisson à -20°C pendant 24 h.

Pour plus d'information, voir le site du ministère de l'agriculture.

Pour aller plus loin

La FAO propose un document technique complet sur la qualité du poisson frais et son évolution.

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